.
Dimanche 10 février 2013 :
.
La rubrique dominicale de mon
blog, « l’info du dimanche », cette information locale, régionale ou nationale
glanée dans la presse et qui m’a fait bondir de colère ou de joie durant la
semaine.
.
Alors que le problème des
loups en France devient de plus en plus aigu chaque mois, que le gouvernement
propose des pistes comme la capture des loups sur le mode américain, le
quotidien Le Monde analyse les résultats de ces captures aux Etats-Unis.
.
Bonne lecture !
.
.
Peut-on capturer des loups pour
les empêcher d'attaquer le bétail ?
Le Monde.fr | 09.02.2013 à 16h38
Par Audrey Garric
"Alors que nos éleveurs pensent les uns après les autres à
abandonner le métier, le gouvernement nous propose 'd'éduquer' le loup. Il se
moque de nous ! Autant éduquer un requin, un serpent crotale ou un criminel
multirécidiviste." Cette pantalonnade du maire (UMP) de Sisteron, Daniel
Spagnou, illustre, derrière son goût douteux, le scepticisme et
l'incompréhension qui prévalent après l'annonce du gouvernement de tester des
captures de loups afin d'améliorer la coexistence entre le prédateur, protégé
au niveau français et européen, et les éleveurs, victimes d'attaques de
troupeaux de plus en plus nombreuses.
Mardi 5 février, la ministre de l'écologie Delphine Batho a ainsi
révélé que onze parcs naturels régionaux allaient expérimenter des méthodes de
capture utilisées aux Etats-Unis. "Il y a une nécessité d'éduquer
l'animal", a-t-elle plaidé, à l'issue d'une réunion du groupe national
loup qui a validé les grandes lignes du plan de gestion 2013-2017.
"La situation a changé en France : on n'a plus seulement quelques
meutes comme il y a vingt ans mais 250 loups. On ne peut plus attendre des
attaques pour agir, lâche Jean-Jacques Blanchon, chargé de mission biodiversité
et agriculture à la Fondation Nicolas Hulot et à l'origine de la proposition.
Il faut signifier à l'animal, et en particulier à ceux que l'on appelle les
'mauvais loups', quel est son territoire et quel est celui de l'homme."
LEURRES OLFACTIFS
Mais comment parvenir à capturer ce superprédateur, intelligent, mobile
et aux cinq sens surdéveloppés ? "Attraper un loup sans le tuer est la
chose la plus difficile qu'il soit", reconnaît Antoine Nochy. Cet
ingénieur écologue, formé à la technique dans le parc de Yellowstone aux
Etats-Unis, est l'homme qui devrait diriger sur le terrain l'expérience
française, avec l'aide du trappeur américain Carter Niemeyer, véritable star
dans le milieu avec à son actif 300 captures au cours de sa carrière.
"Il faut intriguer, inquiéter et séduire le loup, explique Antoine
Nochy. C'est un travail de patience pour retrouver sa trace, disposer un piège
et attendre qu'il morde. On doit amener le prédateur, qui évolue dans un
périmètre de 300 km2, à venir dans un espace de 30 cm2."
Le cœur de la technique : des leurres olfactifs. De l'urine, des
excréments ou de la viande doivent ainsi attirer le loup vers un système de
pièges enterrés. Une mâchoire en caoutchouc se refermera alors sur sa patte,
tandis qu'une chaîne longue de 2 ou 3 mètres lui permettra de se déplacer sans
se blesser. "Il s'agira alors de l'immobiliser avec un lasso, de
l'anesthésier et de lui poser un collier équipé d'un GPS, avant de le relâcher,
livre Jean-Jacques Blanchon. L'animal, stressé, va comprendre qu'il ne doit
plus attaquer sur ce territoire et la meute ne reviendra pas."
Au-delà de l'avertissement, l'expérience est censée avoir une portée
préventive. "Les données GPS vont nous permettre de comprendre le
comportement du prédateur et ses déplacements, afin de prévenir les éleveurs de
son approche", poursuit Jean-Jacques Blanchon. Le chargé de mission, qui
espère former rapidement des piégeurs avec l'aide de l'université de
Montpellier 2 et du CNRS, table sur deux équipes de deux personnes dans chacune
des quatre régions concernées par la présence du loup.
ANIMAL SAUVAGE
Malgré les compétences avancées, l'idée ne convainc pas au sein du
Groupe national loup. L'instance, réunissant parlementaires, élus,
agriculteurs, chasseurs, associations de protection de la nature et
représentants de l'Etat, regrette que la proposition ait été reprise "à la
dernière minute" par la ministre et ce, sans concertation.
"Cette expérimentation va à l'encontre du fonctionnement naturel
du loup : on ne peut pas lui apprendre que tel alpage ou telle montagne est
chez lui, et telle autre non. C'est un prédateur qui chasse où il veut, ajoute
Jean-David Abel, représentant de France Nature Environnement (FNE) au sein du
groupe. Le dispositif est ailleurs difficilement applicable en France, où
l'animal est présent dans 29 zones de présence permanente, des endroits
montagneux, broussailleux et difficiles d'accès."
"C'est le seul instrument qui fonctionne pour assurer la
cohabitation avec le loup, et c'est pour cela qu'il est utilisé aux Etats-Unis
et expérimenté en Suède, Finlande, Espagne et Italie", rétorque
Jean-Jacques Blanchon.
"ILS REVIENDRONT"
En réalité, si les Etats-Unis procèdent bel et bien à des captures de
loup depuis des années, la finalité réside moins dans la protection des
troupeaux que la recherche scientifique. Les Américains ont capturé pour la
première fois 64 loups au Canada en 1995 pour repeupler le parc de Yellowstone,
au sein duquel les prédateurs avaient été massivement chassés jusqu'à frôler
l'extinction. Depuis, la célèbre réserve du Wyoming a capturé et équipé de
colliers GPS 400 prédateurs, essentiellement à l'aide d'hélicoptères depuis
lesquels des trappeurs tirent des fléchettes anesthésiantes.
"Nous avons réussi à inverser les habitudes comportementales de
certains loups grâce à un conditionnement aversif utilisant des captures, des
balles en caoutchouc ou des bombes au poivre, livre Daniel Stahler, biologiste
en charge du projet loup à Yellowstone. Mais ce conditionnement doit intervenir
au moment où le loup agit : la technique ne fonctionne pas si vous le capturez
plusieurs jours après la prédation."
"En capturant les prédateurs près du bétail, vous pouvez les
amener à rester à l'écart pendant un jour ou deux ; mais s'ils ont faim, ils
reviendront, poursuit-il. Tant que les humains, le bétail et les loups
cohabitent dans le même écosystème, il n'existe pas de méthode permettant d'éliminer
toute prédation."
"La capture ne peut pas forcer l'animal à quitter un territoire
sur lequel il s'est installé ni l'éduquer à ne pas attaquer un troupeau,
confirme Carter Niemeyer, qui rappelle que dans le Wyoming, l'Idaho et le
Montana, les éleveurs et chasseurs tuent les loups avec lesquels ils ne
parviennent à cohabiter. Mais elle peut aider les éleveurs à repérer et éviter
les loups, en positionnant des chiens près des troupeaux. "
ENTRE 2 000 ET 6 000 DOLLARS PAR LOUP
Reste que même après dix-huit ans d'expérience outre-Atlantique, la
technique requiert encore du temps, de l'argent et du matériel sophistiqué.
"Les loups sont difficiles à capturer à l'aide de pièges au sol, assure
l'ancien expert du Service américain de la pêche et de la faune sauvage.
L'utilisation d'un hélicoptère fonctionne mieux, mais s'avère très chère."
Coût de l'opération : entre 2 000 et 6 000 dollars par loup, en fonction du
type de GPS utilisé – d'une durée de vie de deux ans en moyenne.
Des limites qui avaient conduit le parc du Mercantour, en France, à
arrêter une expérience similaire. De 2007 à 2011, le parc naturel régional a
ainsi capturé quatre loups, deux grâce à des pièges au sol et deux via
l'utilisation d'hélicoptères, afin d'étudier l'impact du prédateur sur les
proies sauvages. Malgré l'emploi de deux personnes à temps plein pendant quatre
ans, les colliers GPS se sont avérés difficiles à tracer dans de nombreuses
zones sans réception satellite. Au final, le Mercantour a perdu la trace des
quatre loups, disparus ou braconnés.
"On donne à la société humaine l'illusion de contrôler une espèce
sauvage, déplore Jean-David Abel, de FNE. La seule cohabitation possible avec
les troupeaux passe par des tirs d'effarouchement et de défense et, en dernier
recours, l'abattage."
Audrey Garric